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2e classe CHAUVET ! Vous allez à l’Elysée!
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Written by: Jean-François SVATON |
Date:
14.09.2020 |
Christian Chauvet
with the rewind at the Cannes Film Festival
Le titre reprend à la lettre sans oublier l’intonation autoritaire chef, l’ordre
de mission à notre projectionniste pour se rendre deux fois par mois au Palais
de l’Elysée et occasionnellement au château de Rambouillet. Nous sommes en mai
1963 et Christian vient d’arriver au fort d’Ivry-sur-Seine au sud-ouest de Paris
pour y effectuer son service militaire obligatoire.
Après 4 mois de classes dans l’armée de terre en tant qu’appelé à Montluçon et à
Giens il prend son premier vrai poste d’opérateur dans la salle de vision
appelée « Kowal » pour les initiés. Il effectuera exclusivement des projections
d’archives et des reportages militaires en 16 et 35 mm.
Imaginez notre projectionniste se rendre à l’Elysée en camionnette chargée avec
le matériel de projection portable nécessaire : projecteur, pieds d’écrans,
toiles blanches de plusieurs tailles, amplificateur de puissance et une grosse
enceinte centrale pour finir. Il fallait prévoir le matériel en fonction de la
pièce du Palais qui pouvait varier selon les circonstances. C’est ainsi que le
général de Gaulle souvent accompagné de sa femme et de ses enfants assistaient
le soir avec enthousiasme et sérénité à ces projections privées essentiellement
constituées de comédies françaises.
• Go to Christian
Chauvet Gallery
Mais qui est notre deuxième classe Christian Chauvet ? Revenons avec émotion à
la naissance sous « X » de notre héros le 5 avril 1943 à Niort. De parents
inconnus en cette période de guerre, il est Pupille de la Nation et sera adopté
à l’âge de 8 ans. Ses parents adoptifs lui donneront leur amour, un nom de
famille et seront les premiers à l’emmener voir son premier film : « La bataille
du rail », qui sera suivi du « Roi et l’oiseau » dans la salle de la mairie à
Saint-Maixent. La magie a immédiatement opéré sur notre petit bonhomme. Gravée à
jamais dans sa mémoire, comme pour beaucoup d’enfants, cette première expérience
tracera à jamais son cheminement cinéphile.
C’est ensuite aux salles de cinéma « Aux Arts’ » et à « l’Hermitage » que
s’enchainent les représentations dominicales.
Christian est définitivement attiré par la projection. Très curieux de voir le
fonctionnement technique, il trouvera un parrain dans le projectionniste en
place. Henri Durand va l’initier à cet art technique au service du spectateur.
Il le laissera toucher les pellicules, avancer les crayons carbones de la
lanterne, charger les films et pour finir lancer des séances etc… Tout cela est
bien plus passionnant pour notre adolescent que d’aller travailler à la chaine à
l’usine de chaussures du coin. Devant son intérêt et son talent, c’est le
directeur de l’établissement, M. Vecchiali, qui va pousser Christian à préparer
un diplôme pour devenir projectionniste. C’est à Poitiers à 18 ans et avec
succès qu’il en obtiendra son CAP avec mention « bien » !
Libéré en octobre 1964 de son service militaire obligatoire, il restera à
l’ECPA. (Établissement Cinématographique et Photographique des Armées). Il «
rempilera » par passion comme civil sous la direction de M. René Motais et M.
Jean Potier. Il travaillera en auditorium pendant 10 ans jusqu’en 1973. Ce
travail lui a permis de se perfectionner dans les différents domaines de
l’image, du son, du mixage et des doubles bandes.
C’est en faisant des remplacements en soirées au cinéma de la Gaité Rochechouart
à Paris IXe qu’il y trouvera un travail qui deviendra quotidien plus tard, un
vrai bonheur d’opérateur dans ce cinéma privé géré par son propriétaire, M.
Gaston Douvin. Ne prenant pas de vacances l’été, il préférait également
effectuer des suppléances aux studios Pathé Francoeur. Aujourd’hui, ce lieu
mythique héberge la « Femis », une école de cinéma.
En 1976 sera son premier Festival
international du cinéma à Cannes dans l’ancien
Palais. Les projections officielles se déroulent dans la grande salle sans
oublier des séances privées et professionnelles à toute heure du jour et de la
nuit. Une époque nouvelle totalement dévouée au 7e art.
Il créera en accord avec Gilles Jacob la section de vérification afin de
contrôler toutes les copies venues du monde entier. Il fallait monter et
démonter à l’avance. Le but était d’éviter des catastrophes : des films à
l’envers, des copies incomplètes, des bobines en double, des bobines absentes,
perdues pendant le transport, etc. Il fallait tout visionner à l’avance.
2001 sera son dernier Festival de Cannes. Clint Eastwood en personne viendra le
remercier pour sa carrière et le saluer le dernier jour après 25 années de bons
et loyaux services irréprochables. Durant sa carrière, d’autres célébrités le
congratulerons après les projections. Le projectionniste avait un rôle essentiel
dans un film en compétition dont les retombées pouvaient être colossales.
Il a également travaillé les étés au Festival de Locarno en Suisse. Ces
projections étaient assez délicates car elles se déroulaient sur écran géant en
plein air au gré de la météo sur l’immense place du centre-ville.
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Christian Chauvet
with Clint Eastwood at the Cannes Film Festival
En 1987, le cinéma de la Gaité Rochechouart va être vendu. Il y a une forte
baisse du nombre des entrées malgré un effort sur la diversification des
programmes. L’économie générale du quartier a changé, laissant place à une
nouvelle population très cosmopolite et peu cinéphile. Cette évolution
correspond également à l’âge de la retraite du propriétaire qui va vendre les
murs occupés aujourd’hui par une enseigne de magasin de vêtements.
Mais une nouvelle aventure va démarrer. Deux amis qui venaient de reprendre le
cinéma l’Escurial, Paris XIIe viennent visiter et découvrent un endroit assez
dégradé que ce soit l‘extérieur couvert de graffitis ou les deux salles à
l’usure assez prononcée. Mais la surprise sera la cabine de projection dans un
état propre et fonctionnel comparable à un laboratoire. Deux projecteurs
DP70 N°1916 & 1917 parfaitement entretenus seront achetés par les associés
Jean-Jacques Zilbermann et Vincent Melilli qui ont entrepris un gros chantier
sur les Grands Boulevards au centre de Paris IXe, l’ancien et célèbre « Max
Linder » en sommeil.
Les deux projecteurs partiront pour une remise à niveau mécanique complète chez
CinéLume, Porte de Pantin. Ce sera M. Roland Gervais, parfait connaisseur de ce
modèle Philips Todd AO haut de gamme, qui prendra cette réfection de haute
précision en main. Cette société se chargera du transport, la nouvelle mise en
place et de les faire fonctionner sur site de même que la deuxième chaine sonore
THX un an après le Forum Horizon des Halles.
Christian sera engagé comme « chef de cabine ». Pour l’anecdote, de sa propre
initiative il fera reculer le mur de la cabine en construction de deux mètres en
donnant directement l’ordre au maçon posant les parpaings au niveau de la
mezzanine, dans le dos de l’architecte « sinon ils ne seraient jamais rentrés ».
La toute première image projetée sur la toile blanche courbe de 17 mètres de
base sera Audrey Hepburn. Pour les puristes, elle est issue de la première
bobine de « My Fair Lady » en 70MM afin de procéder aux réglages de luminosité,
position de miroir et définir les objectifs adéquates d’une source au centre
précis.
Le « Max Linder Panorama » pour sa troisième nouvelle vie, ouvrira au public le
27 novembre 1987 avec deux jours en retard pour des raisons administratives et
de droits d’exploitation en V.O. avec « Le Dernier Empereur » en 70MM. Le
premier grand succès est au rendez-vous.
Six ouvreuses habillées en rouge (deux par niveau) accueillent le public. Les
spectateurs se pressent pour voir ce nouvel écran de 200M² dans une salle
totalement obscure tel un écrin de velours sans aucun reflet. C’est suite à une
interview de Stanley
Kubrick, partisan de ce concept, que la décision a été prise
de donner au noir sa splendeur du sol au plafond, des sièges et murs capitonnés.
Wim Wenders deviendra le parrain du lieu. Des avant-premières et des rencontres
lui seront consacrées.
Ce cinéma aura la réputation d’enchainer des exclusivités à l’affiche. Il est
également très convoité pour des projections de presse en matinale ou des
soirées privées pour des sociétés de productions. De nombreux événements vont
s’y dérouler pour en faire une salle exceptionnelle. Notons des festivals d’été
chinois, la cinémathèque, le 70MM en rétrospective de "Ben Hur" à "E.T." avec plus
de 7 tonnes de copies qui passeront entre les mains de Christian entre la seule
période du 3 au 30 août 1988. Christian a œuvré pour les plus grands. Le
Ciné-Club de la Fondation Gan animé par le regretté Jean-Claude Brialy qui a
tenu séance pendant 10 ans un dimanche par mois avec les plus prestigieux
invités du monde du 7e art. Il était présent pour les captages hebdomadaires des
équipes du journal du cinéma Canal+. Il y a eu des soirées et des nuits
thématiques mémorables : les 3 Star Wars, les 3 Parrains, les 3 Indiana Jones
proposés à la suite. Le plus important succès sera « L’Ours » avec 19.000 entées
la première semaine. Sans oublier « Titanic », « Indiana Jones 3 » et tant
d’autres films immortels…tous au format 70MM.
En 1990 Christian a été aussi très impliqué aux essais, tests et à l’élaboration
du premier système sonore LC concept à diffusion du son numérique en première
mondiale, partant d’une source dissociée de la pellicule sur disques avec le
film Cyrano de Bergerac.
2004 sera le départ à la retraite car la vente de la société « Kinépolis » est
prévue. Le cinéma numérique a déjà bien avancé son développement et l’argentique
disparait pour laisser place à l’image électronique par ordinateur, vaste sujet
de discorde pour les puristes. Le nouveau monde et sa technologie poussent
l’ancien dans la belle histoire du cinéma.
Aujourd’hui Christian n’a pas perdu la main à assurer une séance privée comme
récemment lors d’une journée entre amis chez
François Carrin à Valenciennes dans
le Nord.
Très discret, notre homme de l’ombre passe maintenant sa vie paisiblement
l’hiver à Paris et l’été à Berck-sur-Mer. Vous pourrez le croiser car il ne
manque pas les rencontres des « Cinglés » du cinéma à Argenteuil.
Après une vie professionnelle très intense, bien remplie de rencontres
improbables, il restera un grand perfectionniste reconnu des plus grands par sa
modestie et gentillesse.
A force de passer sa vie à projeter celle des autres avec brio, Christian a été
admis au rang de maître grâce à la reconnaissance de son savoir et son amour de
la perfection de la belle projection. Il y a tant de films qui sommeillent, mais
passés par la main du maitre ils peuvent changer leur destin et repasser à la
lumière.
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Christian CHAUVET
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Christian CHAUVET
Le Gardien de la Pellicule 1991
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28-07-24 |
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